A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

La colère est mon ennemi. Elle n’a jamais été une émotion qui m’ait un jour porté conseil mais, depuis que j’ai été possédé par cette chose, c’est encore pire. Je l’entends constamment. Il tire sur mes envies de vengeance, sur la colère qui se porte sur ma propre personne et sur la frustration que je ressens quand la situation ne va pas dans mon sens. Tout pour prendre le contrôle. Je l’ai laissé faire une fois et je l’ai amèrement regretté. J’ai bien failli tout détruire autour de moi et, surtout, tuer les autres esclaves qui se trouvaient dans les parages. Tout ça parce que j’ai voulu le laisser m’aider à m’enfuir. Une mauvaise idée. Désormais, je sais que je ne peux pas faire confiance à cette voix, même si j’ai l’impression de devenir dingue à chaque fois qu’elle fait son apparition. Le pire étant que je ne sais pas comment m’apaiser. Alors, j’évite au mieux les conflits. Tout comme j’évite de me faire voir comme un leader au sein des Brebis égarées.

Peine perdue puisque je suis vraisemblablement le plus fort d’entre nous. Et avec tout ça, les responsabilités suivent et me pèsent. Ils me mettent sur le dos la sécurité de tout le monde alors que je ne sais même pas prendre soin de moi. Je me demande si ces gosses sont capables d’un peu de jugeote.
Dans l’espoir de me reposer un peu l’esprit, j’ai profité que tout le monde dorme pour sortir du camp. Tout est plutôt calme en ce moment. La mafia semble assez occupée à ses affaires pour se préoccuper de nous et les Sentinelles ne descendent pas dans le marché noir. C’est donc sans vraiment de crainte que je me suis levé pour faire un tour. L’idée est de m’aérer un peu l’esprit. J’ai aussi le vague espoir de retrouver Steph’, même si je doute qu’elle puisse traîner dans le coin. Surtout après notre mésaventure d’il y a quelques années. Manquerait plus qu’elle ait peur de sortir en plus d’avoir peur d’être enfermée… La pauvre. Tout ça parce que j’ai été incapable de la protéger… Je m’en veux et je me demande si, contrairement à moi, elle sera capable de me pardonner pour ma faiblesse. Aujourd’hui, bien que je sache un peu me battre et que j’ai acquis une puissance destructrice, je ne me sens pas plus fort qu’à mes huit ans. Je ne suis qu’un faible. Comment peut-on me voir autrement ?

Il fait noir dans les petites ruelles. Je préfère ne pas aller dans les zones éclairées par les bars et autres commerces qui éclairent les rues. Je crains de me faire attraper par les gérants du colisée et qu’ils profitent de ma marque d’esclave pour me ramener dans cet enfer. En pensant à cette option déplaisante, j’attrape ma capuche à deux mains pour la passer sur ma tête afin de me cacher un minimum. Puis, je les place dans les poches de ma veste. Une habitude qui me fait croire que ça va retenir le monstre en moi. Tant que ça marche, pourquoi ne pas en profiter. Je n’ai rien trouvé de mieux, de toute façon.

Un malaise me prend. J’ai l’impression que je suis suivi. Nan… Je dois juste devenir complètement parano… Non. Maintenant que j’y fais plus attention, j’entends comme des bruits de pas derrière moi. Surtout, ne pas me retourner et ne pas accélérer. Ce serait faire comprendre à mes poursuivants qu’ils ont été repérés. J’arrive à une intersection, alors ce n’est pas le moment de paniquer.
Je me force au calme et la détente en marchant vers mon objectif premier. J’ai la boule au ventre et dans la gorge. Oui, je suis en train de flipper. Non, je ne le montrerais pas ! Et, lorsque je suis hors de vue, silencieusement, j’use de la gravité pour monter sur le toit du bâtiment. Sans prendre le temps de vérifier si j’étais vraiment suivi ou non, je me déplace rapidement par les toits dans l’espoir de mettre autant de distance que possible entre eux et moi.

J’ai passé quelques bâtiments et, maintenant, je redescends au sol. J’espère les avoir semés. Dans le doute, je reprends ma route en restant très vigilant à mon environnement en me donnant l’air de rien. Je me suis éloigné des Brebis égarées. Tant mieux. Mes poursuivants voudront sans doute ne pas me perdre, dans ce cas il y a moins de risque qu’ils perdent du temps à s’en prendre à eux. C’est ce que j’espère de tout mon coeur. J’ai tellement peur que j’en ai la gerbe ! Non, tout va bien… Céder à la peur et la panique me fera tomber dans des pièges plus facilement, à défaut de réveiller l’autre enfoiré de harceleur. C’est ça, je n’ai aucune raison de paniquer.

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

En fait non, ce n’est pas ça. Plutôt que n’avoir aucune raison de paniquer, j’ai toutes les raisons du monde de ne pas paniquer. Cela mettrait les gosse et moi-même en danger. En plus des attaquants, mais ce n’est pas une raison.
Eh merde… Le voilà qui décide d’utiliser ma frustration pour se mettre à me parler… Il ne manquait plus que ça ! Heureusement que je semble avoir semé ceux qui avaient décidé de me prendre pour un imbécile. Je vais pouvoir m’en sort-... Eh merde !

Alors que la colère que je ressens monte un cran, Devant moi, un gars habillé en noir se tient là, droit. Je le fusille du regard alors que j’augmente la densité de mon corps au cas où on déciderait de tenter de m’attaquer par surprise. Il est seul de visible, mais ça ne signifie pas qu’en secret il ne donne pas sa position à ses amis les mafieux. Et encore, ce regard meurtrier ne lui est pas totalement dédié. J’aimerais pouvoir le tourner vers le démon qui me propos de plus en plus de le laisser sortir, que j’ai besoin de lui pour me protéger puisque sans lui je ne serais qu’une pauvre petite chose. Bien évidemment, ça a pour don d’augmenter la colère et, si je n’avais pas l’esprit concentré sur le monde réel, je serais sans doute déjà en train de perdre pied. A moins que ce ne soit déjà le cas ? Non. Sinon il ne me demanderait pas de le laisser sortir si sérieusement. Il jubilerait en me poussant à faire plus que ça…

Je fronce un peu plus les sourcils alors que cet homme en noir m’appelle par mon nom. Pas qu’il soit totalement secret, mais je n’apprécie pas la tournure que prennent les événements… Attends… Quoi ?! D’où vient cette demande de… “discussion” ?! Mon expression se fait un peu plus glaciale alors que je tente d’envoyer chier le démon avant de répondre, sur la défensive :



J’aurais préféré être sarcastique, lui disant que c’est trop aimable de penser à mon estomac. Malheureusement, j’ai bien trop peur qu’il ne leur arrive un pépin. S’ils ont réussi à me trouver si facilement, ce ne serait pas étonnant qu’ils puissent les trouver avec autant d’aisance. Le regard aiguisé, je l’observe en gardant mon pouvoir actif. Et, l’esprit alerte, je tente d’analyser au mieux ce qu’il me donne comme réponse.

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Que vaut la parole d’un imminent lieutenant de la mafia, fidèle comme un toutou au point de ne jamais capoter ses missions ? Je n’ai aucune garantie qu’il ne soit pas en train de me mener en bateau. Je n’aime pas ça et le démon en profite un peu plus. Bon sang !! Il peut pas se taire un peu lui aussi ?!!

Sans doute pour me mettre à l’aise -ou me prouver sa bonne foi, qui sait-, le voilà qu’il me propose de choisir l’endroit dans lequel nous pourrions parlementer. Je me demande ce que voudrait me dire l’imminent lieutenant pour mettre en place toutes ces magouilles. La poursuite, la demande, me laisser prendre la décision du lieu… Je pourrais dire que ça sent le piège, mais tout va trop dans mon sens pour que ce soit vraiment le cas.
Il baisse les mains, mais je peux toujours les voir. Pas de magouilles. Pas d’armes. Il ne me reproche pas non plus de vouloir me protéger. D’ailleurs, c’est en maintenant ma protection par sécurité que je lui fais un mouvement de tête pour lui dire de me suivre. Ce qu’il fait, vraisemblablement.

Damian Benedickt, hein ? Qu’est-ce que j’en ai à faire de son nom ? Ce que je veux savoir, c’est pourquoi il met en place tout ça juste pour me parler. Je l’emmène donc dans un café miraculeusement ouvert et m’installe sur une table libre loin des fenêtres et au milieu de tout le monde. Au moins, je pense que je fais tout ce qu’il faut pour me protéger et empêcher qu’on s’en prenne à moi. Pendant le chemin, il n’a pas essayé de m’embrouiller non plus.



Voyons ce qu’il a à me dire maintenant, alors que je continue de le fixer.

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Je le vois sortir un objet qu’il pose sur la table. Je me tiens alors prêt à le détruire, jusqu’à ce que je constate qu’il s’agit d’un brouilleur qu’il allume sous mes yeux. Il m’explique alors qu’il veut que notre conversation reste privée. Je hausse un sourcil, curieux. Qu’est-ce qu’il a à me dire qui ne devrait être entendu par personne et surtout pas la mafia ? Parce que, de ce que je sais, je n’ai rien pour communiquer avec les mômes, moi. Donc c’est forcément pour bloquer son camp. Cette histoire pue. Mais vraiment !

Je continue de le fixer, même alors que je demande un thé au serveur venu commandé. Je ne voudrais pas montrer à cet ennemi que je bois essentiellement du lait dans l’espoir de grandir un peu. La honte que ce serait ! Puis, j’attends la suite dans le silence. Et je lui ai demandé de parler et il va le faire. On n’est pas venu ici pour prendre un petit déjeuner !
Il finit par lâcher le morceau. La mafia veut me mettre la main dessus, ce n’est effectivement pas un secret. Beaucoup en parlent, même au sein de mon groupe et c’est une de mes nombreuses préoccupations. Malheureusement, je n’ai nulle part où fuir et c’est ce qui m’emmerde le plus. Alors comme ça monsieur le lieutenant toutou de la mafia est un pacifiste ?! Étrangement, je n’y crois pas des masses.

Le serveur revient avec nos commandes et, encore une fois, je ne lui accorde pas un seul regard. Ce n’est qu’une fois qu’il est parti et que mon interlocuteur boit sa boisson que je lui demande, cinglant :



Qu’il ne veuille pas impliquer les gamins est une chose. Qu’il m’en parle en tenant les membres de son groupe dans le secret en est une autre. Je suis persuadé que ça cache autre chose. Il aurait très bien pu prendre les gamins en otage, si ce n’est pas déjà fait, et me mettre la pression en me disant justement qu’il voudrait les laisser partir, ce qui serait possible si je les suivais. Sauf qu’il ne s’y est pas pris comme ça. Pourquoi ?!

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Je tique en le voyant éteindre le brouilleur. Ça ne fait pas si longtemps qu’on est là… Non… Il ne va quand même pas- ! La colère prend encore plus d’ampleur et le démon ricane tant il prend le dessus par grignotage. Je le sais. Je le sens. Malheureusement, j’ai beaucoup de mal à le contenir tout en menant cette conversation difficile. Je me lève de ma chaise, prêt à partir en quatrième vitesse si jamais il donne l’ordre de s’en prendre à mes petits protégés. En attendant, je ne bouge plus, notamment parce que le démon décide ce moment précis pour essayer de gagner du terrain, ce qui se voit sur mes bras, les marques gagnant petit à petit du terrain sur ma peau.

Je reconnais la position des hommes en noir. J’ai le souffle coupé et le démon qui ne me laisse plus une seule seconde de répit. Du moins… jusqu’à ce que j’entende l’ordre donné. L’ordre de battre en retraite. Que la mission est terminée alors que, finalement, rien n’a été dit entre nous à ce propos. Le démon est stoppé par ma stupeur alors que je fixe mon interlocuteur qui rallume le brouilleur dès lors que l’ordre est entendu et que j’ai pu voir la mise en exécution. Je ne souffle pas pour autant. Rien n’est terminé. Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas un piège ?!

Alors que je ne me suis pas rassis, encore dans le doute, le lieutenant me fait part que tous les ordres viennent du boss et que celui-ci pourrait vouloir prendre les gosses en plus de moi et que, pour éviter cela, il faudrait s’en aller loin de la mafia. D’accord, mais où ?! Et pourquoi prendre le risque de tout faire capoter ? Il ne va pas avoir de conséquences ?! Devrais-je le croire ?



Je doute qu’il prenne tant de risques sans contrepartie. Dans la mafia, les traîtres ne sont-ils pas tués ? Torturés ? Je ne sais quoi d'autre qui soit plus ou moins pire ?Je doute qu’il ne le sache pas et qu’il fasse un truc pareil par bonté de cœur.

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Je m’épuise. Libérer cette chose qui me possède me fatigue et me blesse. Je le sais pour l’avoir déjà expérimenté. Heureusement, cette fois ce n’est pas aussi violent que lors d’une libération complète. Pourtant, j’ai tout de même l’impression de tenter de contenir une tempête. Et cette saloperie ne cesse de tenter de me faire céder, tentant de me manipuler. Ne pas l’écouter est extrêmement difficile. Je fais tout pour mais… le repousser reste encore plus délicat.
Pourquoi il me tend la main, lui ? Je me pose à peine la question qu’il me dit avoir une capacité d’annulation. Ce qui signifie qu’il va non seulement faire partir le démon, mais aussi ma capacité. C’est un pari risqué. Un danger selon celui que je veux repousser, mais qu’est-ce que j’attendais de la part d’un salaud qui me harcèle en tout temps et encore plus lors de mes périodes de vulnérabilité ? C’est un miracle que je n’ai encore rien détruit dans mon sommeil ! Je réfléchis au mieux un instant et décide de le mettre à l’épreuve.



Puisqu’un simple contact suffit selon ses dires, il n’a aucune raison de me tenir. Un test pour voir s’il est vraiment digne de confiance. Je sens le démon se retirer d’un coup alors que les marques disparaissent, me faisant lâcher un soupir de soulagement. Et lui ne me tient pas, comme je lui ai demandé. Je me rassois donc et prête plus d’attention à ses dires. Je ne me sens pas spécialement en sécurité, mais m’en prendre à des innocents n’est pas vraiment ma volonté non plus. J’ai le droit à un sursis qui va me permettre de peser le pour et le contre plus facilement.

Il m’explique alors ne pas vouloir que des enfants soient entraînés à la mafia contre leur gré. Je plisse les yeux alors qu’il passe une main sur sa nuque. Est-ce ce que je crois ? Ou de la fatigue ? Je ne sais pas trop crois penser. Pourtant, il continue en me nommant un temple qui serait un passage libre si des enfants demandent aux prêtres. Je hoche la tête et, tout en ne sachant pas si je dois me considérer comme un enfant, je demande :



Je trouve ça louche. Mais, d’un autre côté, je me dis que s’il me laisse accompagner les gosses ça veut potentiellement dire qu’il me voit comme tel et que je pourrais avoir une chance de m’en aller de cet enfer, moi aussi. Pourtant, je reste quelque peu sceptique concernant ses motivations.

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Malgré sa réflexion à la question, j’obtiens une réponse à ma question. Une réponse quelque peu alambiquée, mais que je peux comprendre si, comme je pense l’avoir deviné, il est effectivement un esclave. C’est vrai que, maintenant que je peux y réfléchir pleinement, c’est étrange qu’il n’ait pas profité d’avoir des otages pour m’emmener avec lui de force. A moins qu’il n’ait voulu jusqu’au bout que je vienne de mon plein gré ? Ce serait se casser la tête pour rien, surtout venant d’un membre de la mafia. Ses actions sont étranges dans leur cheminements. Il avait toutes les cartes en main pour m’emmener et il ne l’a pas fait. Il y a autre chose. Quelque chose que je peine à comprendre. Pourtant, il faut que je fasse mon choix. Sérieusement ! Il ne me laisse vraiment pas de temps de répit ! Bien que je comprenne quelque peu la raison dès lors qu’il me la donne. Je ne sais pas qui est cet enfoiré problématique, mais il est vraiment pénible dans tous les sens du terme.

Je suis le lieutenant, remarquant que je n’ai pas du tout touché à mon thé. Tant pis. Je n’ai pas le temps pour ça. Je réfléchis tout en le suivant dehors et je finis par annoncer :



Je ne suis pas explicite mais, par ces mots, je pense pouvoir lui faire comprendre que j’ai choisi l’option d’accompagner les gosses jusqu’au temple. Hors de question que je ne vérifie pas de mes propres yeux qu’ils soient en sécurité.

Ainsi, je l’amène à la planque où les enfants commencent justement à se lever et se préparer, comme ayant le feu aux fesses. En me remarquant, l’un d’eux vient me demander où j’étais passé. Je lui explique :



Évidemment, j’ai le droit à une flopée de questions, mais je n’y réponds pas. Pas à toutes. Juste assez pour les convaincre de me suivre… jusqu’à ce qu’ils remarquent le mafieux. Avant que je ne puisse le voir venir, je reçois un coup de couteau dans l’abdomen qui me met genou à terre et, évidemment, des montagnes de reproches. Le démon reprend du service et menace de sortir. Pitié… Faites qu’il m’arrête… Avant qu’ils ne se barrent de préférence…

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

La blessure me pique. J’ai rarement eu aussi mal. Pourtant, à part des grimaces, je ne montre pas grand chose de mon état. Il faut que je me concentre… Il faut que… Je sens une main se poser sur mon poignet et je regarde à côté de moi sans bouger la tête. Le mafieux. Ses yeux à lui lancent des éclairs vers les gamins qui ne savent plus quoi faire. Ils doivent se sentir en danger, et ils ont raison. Je laisse Damian leur parler alors que je retire le couteau de ma chair. Sans rien dire. Essayant d’écouter et de me concentrer. Il a mit quoi sur son couteau, lui ?!

Ce que j’entends me donne l’impression d’avoir quelqu’un de mon côté. Pour la première fois de ma vie, une personne qui prend ma défense au lieu de se dire que je suis assez grand et fort pour me débrouiller seul. Un coup d’oeil aux cibles du sermon et je découvre des mines aussi choquées que déconfites. Ils ont dû croire que j’avais fais un deal avec la mafia pour me débarrasser d’eux, ou une connerie dans ce genre. Quels sales gamins !
Je tente de compresser ma blessure mais je sens le sang couler sur ma peau. Merde… ! Il ne m’a pas loupé ce p’tit salaud !

L’annonce de mon allier me fait le regarder à nouveau. Cinq minutes ? C’est court. Pourtant, il n’a pas perdu l’espoir de nous sortir de là. De tous nous sauver. J’accepte son aide pour me relever et le pansement de fortune, puis j’annonce d’une voix aussi stable et n’acceptant aucune contestation que possible :



Cela dit, je comprends assez rapidement que je n’irais pas assez vite, que je ralentirais tout le monde. J’accepte alors de monter sur le dos de Damian et comprime un peu plus la blessure. Je lui murmure :



Ça me fait mal au cœur de dire une chose pareille. Pourtant… Après ce qu’on vient de me faire, je comprends bien que je ne pourrais pas tous les convaincre. Quelle n’est pas ma surprise quand je constate que seuls deux d’entre les huits enfants ne sont pas venus ! Enfin... je doute qu'ils restent avec moi une fois en sécurité.

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Nous y allons rapidement. Un coup d'œil en arrière et je peux voir les gosses nous suivre. Bien. Je me concentre donc sur le maintien sur ma blessure et sur mon démon. Si je viens à perdre le contrôle maintenant, alors tout ce que nous avons fait jusqu’à maintenant n’aura servi à rien. Rien du tout. Je ne veux pas de cette option. Alors je multiplie mes efforts et ma concentration autant que possible alors que c’est extrêmement difficile pour moi.

A la surface, nous allons vers une voiture dans laquelle je suis déposé. Je ne me pose pas plus de question que ça sur l’origine de cette voiture ou le reste, déjà bien soulagé que les gosses ne perdent pas de temps et que nous puissions nous éloignés pour ensuite nous diriger vers la liberté. Du moins, je l’espère…
J’ai envie de dormir, me reposer. Il ne faut pas. Pas avant qu’on soit en sécurité. Et, bien vite, on me demande de me concentrer encore sur autre chose. Je suis dans la merde…

Il est bien un esclave. Déjà que la douleur qu’apporte le sceau est affreuse, je me doute que vu l’endroit il a vraiment besoin de mon aide. Je prends donc le volant d’une main et me concentre sur la route. Ça libère en partie mon démon, faisant apparaître des marques sur ma peau. C’est une des enfants qui le fait remarquer :

“Evan ! Ne le laisse pas sortir ! Je veux pas mourir… !!”

Et la voilà qui chiale ! Merde ! Qu’elle se taise ! J’ai besoin de me concentrer ! Je suis vraiment en piteux état et j’espère vraiment tenir jusqu’à bon port. Je le suis un peu plus quand je vois la main de Damian se poser sur la mienne et que je sens, de ce fait, le démon reculer pour me laisser du répit. Je le remercie à mi-voix et me concentre d’autant plus sur la route.

Nous arrivons. Sauf que, malgré tout, j’ai vraiment du mal à bouger. J’ai envie de dormir. Pourtant, alors que les enfants commencent à sortir pour aller vers le temple dès qu’ils ont la manière d’être libres, je m’extirpe difficilement de la voiture. Je n’y arriverai jamais… Je ne tiens pas sur mes jambes…

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Quand le lieutenant noir vient me récupérer, il a une tête à faire peur. A nous deux, il semble qu’on soit capable de faire peur à n’importe qui puisque je vois qu’on vient vers nous. Ah… merde… Je me sens trop faible… J’ai envie de dormir. J’ai mal partout. Quelle sensation affreuse ! Surtout que je comprends à peine ce que dit mon comparse à mes côtés. Pourtant, ce n’est pas comme si on ne pouvait rien distinguer. Seulement, je suis incapable de comprendre. Si je voulais être prudent jusqu’au bout, il faut croire que c’est raté.
Un instant plus tard, je sens que je heurte quelque chose de froid et dur. Puis, c’est le trou noir…

*** *** *** *** ***

Lorsque j’ouvre les yeux, au son régulier et strident que j’entends à côté de moi. Je n’ai pas spécialement mal, mais je me sens super fatigué. Pourtant, une question urgente se pose : où suis-je ? De ce que je peux constater, c’est que le plafond est blanc, dans un style que je ne connais pas. Et je me trouve dans un lit. Je tourne la tête. Damian Benedickt. Il semble dormir. Est-ce qu’il va bien ? Je tente de me relever mais la douleur à mon abdomen m’empêche de me relever, faisant s’affoler ce son pourtant si régulier depuis que j’ai ouvert les yeux. Il se passe quoi ?! Je me recouche, histoire de faire passer la souffrance dont je suis la victime et il n’en faut pas beaucoup plus pour que la machine (je pense que ça vient de là) reprenne sa régularité. En découvrant la machine, je constate également des fils qui me relient à elle et une sorte de poche aussi reliée par un tuyau qui finit dans mon bras. Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? Pas rassuré du tout, je retire les trucs sur ma poitrine, rendant la machine plus chiante encore, puis je tente de faire de même avec le tuyau.

A Ananéosi, dans une ruelle sombre du marché noir, le 5 août 4362

Je ne fais pas du tout attention à la personne entrée dans la chambre. Pas un regard. Je suis bien trop occupé à vouloir me détacher de tous ces tubes et tous ces fils dont je ne comprends pas la présence sur mon corps. Sauf que, avant que je puisse retirer le tube me reliant à une poche étrange, on m’attrape le poignet. Je regarde alors l’inconnu, le fusillant du regard malgré mes tremblements. J’ai peur, même si je voudrais le cacher de toutes mes forces.
Me calmer ? Attend, je rêve ou je suis en train de me faire engueuler comme un gamin ?! Je ne sais pas où je suis, avec qui, si je suis en terrain ami ou ennemi et, plus que tout, je ne vois les gosses nulle part. N’ai-je pas le droit de me sentir nerveux, si ce n’est angoissé ?! Et je ne parle même pas de ce que je ne connais pas, parce que ce serait différent de Ananéosi, selon l’inconnu. … Une seconde… Un hôpital ? Ça veut donc dire… qu’on est sauvé ?

Je ne bouge plus, regardant mon interlocuteur, pas rassuré. Il se présente comme étant un médecin et m’explique l’utilité de tout ce dont je me débarrassais. Des médicaments et la machine pour surveiller mon état. Comment ça ? Je vais bien, si ce n’est un pincement au cœur qui persiste et ma blessure qui me brûle… Je souffle doucement pour me calmer un peu et hoche la tête pour lui signifier qu’il peut me lâcher. Je n’ai pas encore vraiment confiance, mais ce n’est pas comme si je pouvais faire quoi que ce soit en l’état. J’espère juste que ce… médicament… est vraiment bon pour ma santé et qu’il ne s’agit pas d’une ruse pour me faire baisser ma garde et me nuire.

Il me lâche et porte un regard sur Damian. Ce dernier dort toujours quand je lui porte un regard avant de redonner mon attention à mon interlocuteur. Ce dernier se nommerait Leslie Solhanne, médecin. Enfin, selon ses dires… Il me parle des enfants et me demande de plus amples explications. Je me permets de demander :



La réponse étant positive, je voudrais demander une preuve. Sauf que je ne suis pas vraiment en position de force… Je passe une main sur mon visage avant de tenter de lui raconter ce qui est arrivé :



Je me demande si on va me croire… Franchement, je n’ai pas vraiment d’espoir sur la question.